Moins d’une heure après la fusillade de Charlie Hebdo, Joachim Roncin, directeur artistique pour le magazine de mode Stylist, publie sur Twitter la fameuse étiquette « Je suis Charlie ».
Ce message court et impactant deviendra la bannière universelle du vaste mouvement de soutien au magazine assassiné. D’un strict point de vue professionnel, comment expliquer le succès de ce slogan ?
Il y a d’abord la cause elle-même, la sidération et l’effroi causés par la nouvelle appelèrent un besoin unanime de partage et d’affiliation à une émotion collective sans précédent. Mais il y a la réussite de la forme aussi. Une concision dans le message sans surenchère dans le pathos.
Le plus banal de nos verbes, conjugué à la première personne, affirme implicitement « c’est moi qu’on a assassiné », tout en revendiquant par la force du présent, j’existe, je suis là, je résiste. La force et la simplicité de ce slogan ont permis son appropriation par tous et ses multiples déclinaisons (je suis juif, je suis flic …) avec le succès planétaire que l’on sait.
Signalons encore un dernier point paradoxal. Ce graphisme, hommage aux dessinateurs assassinés ne comportait pas d’image. Il s’agissait, sans rire, d’un message « hallal ». Le Coran qui interdit les images a eu pour effet d’élever la calligraphie au rang d’art graphique exclusif. Mais l’image « Je suis Charlie » qui a fait le tour de la planète a crié à la face du monde que l’assassinat d’illustrateurs était aussi un crime contre l’humanité. Merci Joachim Roncin pour cette création.